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10 septembre 2025

ENTRETIEN AVEC HORTENSE SERRET, ÉCOLOGUE

Aujourd’hui, construire, c’est cohabiter. Face à l’érosion du vivant, intégrer la biodiversité dans l’acte de bâtir devient essentiel. Hortense Serret, écologue, nous rappelle que la biodiversité ne se résume pas à des espèces isolées: c’est un tissu vivant, fait d’interactions, d’équilibres, de continuités écologiques. 

Hortense, pour commencer : comment définiriez-vous la biodiversité ?

Je vais vous partager une définition que j’aime beaucoup, empruntée à Robert Barbault (ancien président du MNHN) : « Tissu vivant de la planète, la biodiversité est bien davantage que la simple collection d’espèces à laquelle on la réduit trop souvent […]. Comme si l’essentiel, le moteur de cette impressionnante diversification du vivant, ne résidait pas dans le jeu complexe des interactions qui, tout au long d’une histoire de 3, 8 milliards d’années, n’a cessé de relier organismes, populations (ensembles d’individus de même espèce) et milieux ».  

Cette définition permet de mieux appréhender le sujet de la biodiversité à travers ses trois composantes : la diversité des écosystèmes, des espèces ainsi que leurs interactions. 

Parlez-nous de votre métier, de votre spécialité et de votre posture.

Le métier d’écologue est assez récent. Cette « case » n’existait pas vraiment il y a encore 15 ans, on en était à l’émergence de ce métier. Un écologue est un expert en écologie scientifique. Il étudie les organismes au sein de leur environnement. Bref, l’écologue tente alors de comprendre les interactions qui existent au sein du vivant et qui influencent la présence de telle espèce à tel endroit. Cet expert essaye aussi de comprendre les conséquences de changements de milieux (la destruction d’habitats par exemple) sur des populations ou des fonctions écologiques. 

A mon petit niveau, je travaille surtout en milieu urbain ou péri-urbain. Ce qui me tient à cœur, c’est de préserver des conditions favorables à la biodiversité et de faciliter les interactions entre les citadins et les espèces qui nous entourent. J’aime créer l’émerveillement et permettre à mes interlocuteurs de prendre conscience de la diversité qui les entoure.

Qu’apporte concrètement un écologue à un projet de construction ?

Un écologue va tout d’abord identifier les enjeux écologiques d’un site en tentant de savoir si des espèces l’utilisent pour se nourrir, se reproduire, hiberner, ou si ces espèces sont rares, protégées, etc. Ce premier travail permet donc d’identifier les zones qui doivent être conservées (haies, mares, arbres remarquables, etc.). Ensuite, l’écologue travaillera  sur la proposition d’un projet architectural et paysager qui évitera ou réduira au maximum les impacts négatifs sur la ou les zones concernées. Il doit aussi maximiser la création de « contributions positives » du projet en recréant des continuités écologiques, des habitats pour la faune (comme l’intégration de nichoirs dans le bâti par exemple). Et bien sûr n’oublions pas que les matériaux de construction ont eux aussi un fort impact sur la biodiversité…

Sur quels types de projets travaillez-vous ? comment travaillez-vous avec les architectes/ MO au quotidien ? Quel budget approximatif pour l’intervention d’un.e écologue ?

Je peux travailler sur des petits voire micro-projets : par exemple on peut juste me solliciter pour couper un arbre, pour savoir s’il n’est pas un gîte pour des chauves-souris ou des oiseaux ou identifier des colonies de moineaux dans une façade pour proposer un plan d’action. Le plus souvent j’interviens à l’échelle d’un bâtiment ou d’une parcelle (construction de logements, rénovation de gare, travaux de maintenance…). Cependant, j’ai déjà travaillé sur des projets d’urbanisme plus larges (à l’échelle d’un quartier par exemple). 

Au quotidien, on va surtout échanger sur la faisabilité des mesures « idéales » pour la biodiversité et la faisabilité technique et financière. Toutefois c’est un jeu de négociations, certain(e)s sont évidement plus réceptifs que d’autres. 

En ce qui concerne le budget, cela dépend de l’ampleur du projet, mais pour donner un ordre d’idée, cela peut aller de quelques milliers d’euros (autour de 10 000 euros pour un diagnostic de terrain avec plusieurs visites, des cartographies, etc.) à quelques dizaines de milliers d’euros pour des projets de grande envergure qui nécessitent beaucoup de terrain, d’analyses d’impacts et d’échanges avec les maîtres d’ouvrage (ouverture d’une mine, projet de ferme éolienne…). 

Quelle est votre vision du lien entre nature et bâti ?

En ville, le bâtiment est véritablement un élément de l’écosystème. Il peut être une barrière mais également une passerelle. Il peut fragmenter ou relier (on pense aux toitures et façade végétalisées, à l’intégration de nichoirs dans les façades, etc). La nature peut totalement devenir aussi un élément esthétique et de bien-être. C’est ce qu’on appelle le « Biophilic Design », ou l’art de recréer des expériences de nature à l’échelle d’un bâtiment. 

Est-ce que la biodiversité devient un sujet central dans les projets ? et si oui pourquoi ?

Aujourd’hui, la biodiversité devient un sujet central, surtout grâce à (ou « à cause de » diront certains) la règlementation. Quasiment tous les oiseaux sont protégés (même les moineaux et les mésanges) et il est dont interdit de détruire leurs habitats. Tout l’enjeu va donc consister à élaborer un projet permettant de préserver les fonctionnalités des écosystèmes d’origine. Bref il s’agit donc de détruire au minimum et de maximiser les impacts positifs possibles. 

Quelles sont les erreurs les plus fréquentes ?

Souvent les maîtres d’ouvrage ignorent tout simplement qu’une partie de la faune est protégée. Ils pensent leur projet sans penser à la biodiversité. Si des enjeux sont identifiés ensuite, il est donc très difficile de « rattraper » le projet. La biodiversité se retrouve souvent réduite à une question de verdissement. Or, une nature décorative (gazon bien tondu, alignement d’arbres horticoles…) n’est bien souvent pas ou peu fonctionnelle, elle ne permet pas de créer des habitats pour une diversité d’espèces. 

Quels sont les leviers simples à actionner et ce que les architectes peuvent intégrer dès la conception ?

Il suffit de regarder l’existant et de se poser ces questions  : 

  • Comment le site peut-il contribuer aux continuités écologiques locales ? 
  • Quels éléments du site (haies, arbres, massifs arbustifs) est-il possible d’intégrer au projet ? 

D’autres leviers importants : 

  • Quels matériaux moins impactants que le béton est-il possible d’utiliser ? 
  • Comment recréer des espaces « multifonctionnels » pour la biodiversité et ses occupants (toitures végétalisées accessibles, espaces de pleine terre accessibles, etc.),
  • Choisir des espèces locales, installer des nichoirs et gîtes, avoir une gestion écologique des espaces verts,
  • Eviter et réduire les pressions : façades réfléchissantes, pollution lumineuse…

Quelques exemples simples :

On peut choisir un muret de pierres sèches au lieu d’un mur lisse, des nichoirs intégrés dans les façades. Mais aussi des plantations favorisant les pollinisateurs ou encore des clôtures perméables à la petite faune. 

Quel pouvoir concret ont les architectes pour favoriser la biodiversité : les bonnes pratiques à adopter ?

Les architectes sont au cœur de la conception. Ils peuvent vraiment faire de la biodiversité un élément structurant de leurs projets et une source de créativité. Le choix des matériaux et créer de l’espace au vivant sont les principaux leviers à garder en tête. Recourir à un.e écologue qui accompagnera le projet et permettra de garantir l’intégration des enjeux dans le projet. Cela doit devenir un réflexe.  

Et les maîtres d’œuvre ?

En définitive les maitres d’oeuvre ont un rôle clé pour que les intentions deviennent réalité. Ils assurent le suivi, le respect des prescriptions, le lien avec les entreprises. Leur vigilance permet d’éviter que les mesures en faveur de la biodiversité deviennent uniquement des éléments de décoration ou des « gadgets » ne visant qu’à cocher des cases pour des labels ou pour la réglementation. 

À quel moment du projet faut-il penser la biodiversité ?

Le plus tôt possible. Si on attend la fin, on est déjà en train de réparer. Cela commence par le choix du terrain. Moins on aura à détruire, moins on aura d’impacts. Au contraire, on peut même « régénérer » la biodiversité. Par exemple, en réhabilitant des zones polluées, en désimperméabilisant et en recréant des habitats. Dès les premières esquisses, on peut repérer des zones à préserver. On peut penser les accès, anticiper les usages partagés entre humains et la faune locale. 

Finalement, anticiper c’est aussi pouvoir intégrer des « solutions fondées sur la nature ». ces dernières permettront, en s’appuyant sur le vivant et en en faisant son allié, de répondre à des enjeux de gestion des eaux pluviales et de limitation de risques d’inondations, de lutte contre les îlots de chaleur, et de santé et bien-être physique et mental. 

Et Archireport dans tout ça ? 

Ainsi, un bon suivi de chantier, c’est aussi celui qui donne sa place au vivant. L’application Archireport pourrait documenter les zones sensibles, suivre les mesures écologiques prévues, et en garantir la traçabilité dans le temps. Une façon concrète de donner toute sa place au vivant… jusqu’au bout du chantier. 

Pour conclure penser biodiversité ce n’est donc pas une contrainte. C’est au contraire élargir son regard sur ce qu’un projet peut produire, au-delà de ses murs. En somme n’oublions pas que le vivant nous rend aussi de nombreux services. Ainsi favoriser les chauves- souris en milieu urbain, c’est lutter contre la propagation de maladies transmises par les moustiques par exemple. 

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